La faute inexcusable de la société RENAULT à l’origine du suicide d’un salarié surchargé de travail est définitivement reconnue

Le 24 janvier 2007, Monsieur X…, salarié de la société Renault depuis le mois de mars 1986, a été retrouvé mort noyé dans un plan d’eau situé sur un terrain appartenant à l’employeur, jouxtant le Technocentre de Guyencourt où il occupait un poste de gestionnaire de données techniques au sein de la direction des méthodes de conception à la suite d’un changement d’affectation recommandé par le médecin du travail en raison d’une hospitalisation pour des troubles dépressifs sévères.

Les investigations médicales ont permis de conclure à un suicide.

La caisse primaire d’assurance maladie des Yvelines a reconnu le caractère professionnel de l’accident.

Le père du défunt et ses frères et sœur, les consorts X…, ont saisi une juridiction de sécurité sociale en reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur.

La société Renault a fait grief à la Cour d’appel de Versailles de dire que le décès de Monsieur X… est imputable à sa faute inexcusable et d’accueillir la demande d’indemnisation des consorts X…,

La Cour d’appel de Versailles a retenu qu’il résulte des investigations effectuées au cours des enquêtes réalisées par la caisse primaire d’assurance maladie, l’inspection du travail et les services du commissariat de Versailles :

       que Monsieur X… a, dès son arrivée au sein de la direction des méthodes de conception, rencontré de graves difficultés pour assurer des fonctions pour lesquelles il n’avait pas les connaissances requises ;
      que l’équipe en place n’a pu assurer la formation prévue en raison du départ précipité de la personne chargée de la dispenser ;
      que cette situation a provoqué chez Monsieur X… un profond désarroi se traduisant par des échanges de courriels avec les membres de son équipe et son supérieur hiérarchique dans lesquels il sollicitait l’aide nécessaire pour effectuer les missions confiées dans les délais impartis ;
      que cette situation a entraîné l’hospitalisation de Monsieur X… pendant quinze jours pour des troubles dépressifs sévères, l’intéressé ayant fait appel aux services de police le 14 mai 2006 afin d’éviter de mettre sa vie en danger ;
      qu’en dépit des préconisations du médecin du travail, une nouvelle affectation n’a été effective que plusieurs mois plus tard, en octobre 2006 ;
      que si son nouveau poste a placé Monsieur X… dans des conditions de travail moins stressantes, il n’a pu bénéficier d’aucune réelle formation, puisqu’il résulte des enquêtes réalisées qu’il a simplement été accompagné dans son travail par un autre collaborateur exerçant les mêmes fonctions, sans réduction d’activité compensant cette aide ponctuelle ;
      que les supérieurs hiérarchiques de Monsieur X… n’ont jamais réellement recherché à améliorer ses conditions de travail ;
      qu’ils n’ont jamais contrôlé ses horaires de travail qui, selon les relevés de l’inspection du travail avaient atteint une amplitude de 10 à 12 heures par jour en janvier 2007 et révélaient l’incapacité du salarié à assurer l’exécution de ses nouvelles attributions dans des conditions satisfaisantes respectant l’exigence d’un repos quotidien suffisant.

 

La Cour de cassation a considéré que de ces constatations et énonciations, découlant de son appréciation souveraine de la valeur et de la portée des éléments de preuve produits aux débats, la Cour d’appel de Versailles a pu déduire que l’employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel son salarié était exposé et qu’il n’avait pas pris de mesures suffisantes pour l’en préserver, de sorte qu’était établie une faute inexcusable à l’origine de l’accident.

Cass. soc. 19 septembre 2013 n° 12-22156

 

Éric ROCHEBLAVE
Avocat au Barreau de Montpellier
Spécialiste en Droit du Travail et Droit de la Sécurité Sociale
http://www.rocheblave.com

Blog de l’Actualité du Droit du travail
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samedi 20 avril 2024