« Le chatbot à tout faire n’existe pas » – Entretien avec Mathieu Lemonnier, cofondateur de Kick My Bot

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Un chatbot, vous y pensez de plus en plus sérieusement pour votre Service Client. Seulement, voilà… vous ne savez pas trop ce que cela implique, ni ce que vous pouvez en attendre, ni combien ça coûte… Et vous n'êtes pas le seul ! Alors, easi est allé chercher les réponses auprès de Mathieu Lemonnier qui, en tant que cofondateur de Kick My Bot, en connaît un sacré rayon sur la question. Enjoy !

Pouvez-vous vous présenter et nous expliquer pourquoi vous avez créé Kick My Bot ?

Mathieu Lemonnier : Il y a 5 ans, j'ai créé My RH Community, devenue le spécialiste français de la E-Réputation RH et Coporate sur les réseaux sociaux. Notre cœur de métier est d'accompagner les services marque employeur et corporate des entreprises dans le développement et l'animation de leur présence sur ces nouveaux médias. Il y a un an, quand Facebook a ouvert la possibilité de créer des chatbots dans l'environnement Messenger, nous avons réfléchi à la manière de mettre cette technologie au service de nos clients. Nous avons d'abord benchmarké les solutions existantes du marché et comme aucune ne nous a vraiment convaincus, nous avons pris le parti de devenir notre propre éditeur de chatbots, en créant une technologie from scratch . C'est pour ça que nous avons fondé Kick My Bot il y a 11 mois. Aujourd'hui, principalement pour des clients grands comptes, nous créons des chatbots qui répondent à trois grandes catégories d'enjeux : enjeux de recrutement, enjeux de communication interne et enjeux business liés à la Relation Client, à la fidélisation et l'amélioration des taux de transformation.

Dans le domaine de Relation Client, on avait jusqu'ici des petites bêtes qui s'appelaient des agents virtuels. Quelle différence avec les chatbots ?

Mathieu Lemonnier : Les agents virtuels sont aussi des bots mais ils reposent sur des échanges prédéfinis et linéaires, pas sur de vraies conversations : l'utilisateur, que ce soit un client, un salarié ou un candidat, entre dans un script et à aucun moment ne sort de ce script. L'expérience est souvent déceptive. Avec un chatbot, c'est l'utilisateur qui pilote la conversation, pas le robot. Grâce à l'intelligence artificielle, le chatbot utilise toutes les données disponibles dans les systèmes auxquels il est relié pour fournir à l'utilisateur la meilleure information possible, le plus rapidement possible, sur n'importe quel device. L'autre différence essentielle est que chaque conversation avec un chatbot permet à ce dernier de s'améliorer grâce au machine learning. Plus on lui parle, plus il devient puissant, pertinent et intéressant.

Un petit exemple pour illustrer cette différence ?

Mathieu Lemonnier : Un agent virtuel va me dire bonjour, se présenter et me demander comment je m'appelle mais il répondra toujours la même chose. Il va me dire, par exemple, « Ah ! Mathieu, c'est sympa comme prénom ». Mais il fera la même réflexion, faussement personnalisée, à Pierre, Paul ou Jacques. Si je me connecte avec un chatbot, il sait déjà qui je suis et me dit d'emblée « Bonjour Mathieu » et comme il est connecté avec le CRM ou le système de prise de commandes, il sait aussi que je suis client depuis exactement 3 ans aujourd'hui. Si c'est le chatbot d'une chaîne de restauration par exemple, il utilisera cette information et pourra me dire « Bonjour Mathieu. C'est votre anniversaire de client aujourd'hui ! Pour fêter ça, je vous offre le dessert… » En termes d'expérience utilisateur, de ressenti, cela va beaucoup plus loin qu'un simple agent virtuel.

Vous dites que « le chatbot à tout faire n'existe pas ». Qu'est-ce que cela signifie pour une marque qui veut se lancer ?

Mathieu Lemonnier : Cela signifie qu'elle doit définir de manière très précise la vocation de son chatbot et la cible avec laquelle il va interagir. Un chatbot ne peut pas répondre à la fois aux besoins de comm' interne d'une entreprise et à ceux de ses clients ou prospects. Un chatbot dédié au recrutement, c'est-à-dire aux relations avec les candidats, n'adresse pas les demandes RH des salariés. Le chatbot créé pour améliorer le taux de transformation de votre site e-Commerce n'est pas celui qui va traiter les demandes récurrentes de votre Service Client. Un chatbot efficace, c'est un objectif et une population cible.

Une fois que vous avez clarifié ces deux points, vous construisez ce qu'on appelle les verticales de votre chatbot. Ce sont en fait des scénarios thématiques. Pour un Service Client, on partira typiquement de la typologie des demandes : réclamation, colis non reçu, retour d'articles, modification d'abonnement, etc. Ce qui va permettre à votre chatbot de répondre de manière rapide et personnalisée, ce sont d'abord les data de tous les systèmes avec lesquels il est plugué – CRM, back-office du site web, réseaux sociaux, catalogues produit, bases de connaissances, etc. C'est aussi, fondamentalement, le fait qu'il comprend le langage naturel, même si l'utilisateur fait des fautes ou écrit en langage SMS.

Au bout de combien de temps un chatbot est-il efficace ?

Mathieu Lemonnier : Ce qu'il faut savoir, c'est qu'aucun chatbot n'est encore parfait à livraison. Il sait déjà répondre à beaucoup de choses mais il est encore perfectible, notamment parce qu'il est impossible d'avoir prévu tous les cas de figures et tous scénarios d'usage. C'est pour ça qu'avant de l'ouvrir à la totalité de la cible, on le teste. Par exemple, le chatbot que nous avons créé pour un grand réseau d'agences immobilières est actuellement testé par tout le personnel des agences. Selon les projets, cette phase peut durer entre 1 et 3 mois. Plus vous avez de données exploitables au départ et plus le nombre d'utilisateurs est important, plus vite votre agent conversationnel progresse et peut entrer en exploitation. Ensuite, ce qui va lui permettre de répondre de mieux en mieux, c'est l'ensemble des conversations qu'il va tenir et qui, grâce au machine learning, vont renforcer au fur et à mesure sa compréhension et la pertinence de ses réponses. Cette caractéristique a deux implications : le chatbot a besoin de volume, il est donc a priori plus adapté aux grandes entreprises qu'aux petites ; ensuite, si vous voulez qu'il joue son rôle, vous devez le faire connaître et donc en faire la promotion auprès de la cible concernée.

Quel KPI pour mesurer la performance d'un chatbot ?

Mathieu Lemonnier : Le principal KPI est la satisfaction de l'utilisateur. Après la première utilisation, le chatbot peut lancer un petit questionnaire pour savoir s'il a bien répondu. Donc, on mesure le taux de satisfaction sur l'expérience utilisateur. On mesure aussi le volume de conversations généré et on recense les sujets de demandes pour les analyser. On peut tout tracer ; par exemple le taux de clic sur un lien inclus dans une réponse pour savoir combien de visites le chatbot a généré sur une page donnée du site. On peut mesurer le taux de réitération vers d'autres canaux de Service Client puisque le chatbot est plugué avec tous les outils. Ainsi, s'il est relié à easiware, on verra tous les échanges sur tous les canaux et on pourra par conséquent mesurer la complémentarité selfcare/humain et voir comment elle évolue dans le temps.

Et maintenant, la question que tout le monde se pose : combien ça coûte, un chatbot ?

Mathieu Lemonnier : Cela va de quelques dizaines à quelques centaines de milliers d'euros par an. En fonction du projet, on est entre 30 000 euros et 150 000 euros. Ce budget comprend la conception, les phases de pré-alimentation, de test et le réglage/pilotage au fil de l'eau. Il faut penser ce budget en termes d'investissement et de retour sur investissement. Si vous mettez en place un chatbot pour votre Service Client, c'est lui qui va gérer les questions les plus récurrentes, celles qui représentent les gros volumes de demandes traitées aujourd'hui par des conseillers humains. Votre chatbot peut répondre à leur place à des milliers de demandes simultanées et 24h/24 sur toute une série de sujets à faible valeur ajoutée. De plus, il le fait en utilisant le ton de voix et les codes de votre marque, et surtout sur le canal que les consommateurs apprécient et utilisent de plus en plus : les messageries instantanées.

Votre ultime argument pour faire basculer les hésitants ?

Mathieu Lemonnier : Toutes les marques se demandent comment prendre part aux 60 milliards de conversations qui se déroulent chaque jour sur Facebook Messenger et demain sur WhatsApp, Twitter and Co qui vont bientôt ouvrir leur API. Les clients ne sont plus dans une démarche de demande formelle vis-à-vis des marques. Un centre d'appels ne peut plus répondre à la totalité des questions qu'ils ont envie de vous poser. Ils veulent pouvoir le faire sans effort, sans contrainte, en mode conversationnel, comme ils le font avec leurs amis. Si vous voulez faire partie de leur univers, il faut être là où ils sont : sur Facebook Messenger, WhatsApp, Slack, Skype, etc. Un chatbot vous permet d'y être en permanence et de gérer ces conversations de manière industrielle mais incroyablement personnalisée.

En prime, vous récoltez et pouvez exploiter toute la data autour des conversations de vos clients ou de vos prospects à des fins opérationnelles. Vous pouvez par exemple envoyer une notification push sur offre promotionnelle à tous les clients qui ont mentionné tel produit ou type de produits dans leurs conversations avec le chatbot au cours des derniers mois. Le taux d'ouverture de ce type de notification est de l'ordre de 90% ! Quand vous avez du recul sur 5 000, 10 000 ou 20 000 conversations, vous en savez forcément beaucoup plus sur les attentes et les comportements de vos consommateurs. Pour une marque, ça vaut de l'or !

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vendredi 29 mars 2024